L'hypnose en Chirurgie, anesthésie et bien-être


Chirurgie Viscérale et Endocrinienne avec Hypnose

Dr Sylvie Vrignaud
Service d’anesthésiologie

CHU Nantes - France
Mis en ligne le 17/06/04


Introduction
Les progrès récents technologiques (cœlioscopie) et pharmacologiques (drogues anesthésiques à demi-vie courte) ont permis à la chirurgie et à l’anesthésie de réduire le caractère invasif des interventions chirurgicales et de limiter les durées et le coût du séjour hospitalier. La chirurgie endocrine cervicale a rencontré, au travers de l’hypnosédation, une approche nouvelle et élégante pour réduire à la fois la charge affective et la réponse au stress des interventions.

Plusieurs études ont montré la faisabilité de certains types de chirurgie sous hypnosédation: cervicotomies pour thyroïdectomies totales ou partielles ou hyperparathyroidies, hernies inguinales ou ombilicales, prise en charge de brûlures, chirurgie plastique.
Dans toutes ces études il a été démontré un réel bénéfice pour le patient, une diminution significative de l ‘anxiété et des douleurs postopératoires.

L’hypnose a été décrite par M.H. Erickson, comme étant un phénomène naturel et banal de concentration mentale, une focalisation durant laquelle les facultés de l’esprit du sujet sont accaparées par un train de pensées, le sujet devenant indifférent à toute autre considération. L’individu demeure donc vigilant, concentré et collaborant.

Confrontés parfois à des malades à haut risque anesthésique (ASA IV) ou présentant une grande crainte vis-à-vis de l’anesthésie générale, nous avons été amenés à proposer à certains patients la réalisation d’actes chirurgicaux sous anesthésie locale associée à une technique d’hypnosédation.


Description de la technique d'hypnosédation
La réalisation de l’acte chirurgical sous hypnosédation est proposée par le chirurgien si l’acte chirurgical le permet, au vu des antécédents du patient ou devant son appréhension face à l’anesthésie générale. Sont exclus les patients ne désirant pas être opérés selon cette technique et ceux présentant une contre-indication : allergie aux anesthésiques locaux, surdité, troubles psychiatriques.

Les patients sont vus en consultation d’anesthésie par un médecin anesthésiste formé aux techniques d’hypnosédation ou après une contre-indication d’anesthésie classique, les instruisant du déroulement duprocessus hypnotique. La consultation d’anesthésie n’a rien de particulier mais insiste sur l’importance de la collaboration du patient, son rôle actif et, sur sa motivation et sa confiance envers l’équipe opératoire. Aucun test d’hypnotisabilité ou d’essai à blanc n’est réalisé avant la chirurgie.

Les patients sont admis à l’hôpital le plus souvent le matin même de l’intervention, à jeun. Une prémédication par 50 mg d’ hydroxyzine (Atarax®) leur est administrée per os une heure avant la chirurgie. A l’arrivée au bloc opératoire, le patient est installé confortablement sur la table d’opération, au besoin à l’aide de coussins. Un accès veineux fiable est mis en place ainsi qu’un monitorage standard (électrocardioscope, mesure de la pression artérielle non invasive automatique, oxymétrie de pouls).

Le chirurgien et son équipe se lavent les mains, s’habillent stérilement et préparent leur matériel. Puis commence l’induction hypnotique : elle s’inspire de l’hypnose Ericksonnienne au cours de laquelle l’anesthésiste invite d’abord le patient à se détacher de son environnement, par la fixation d’un point ou une technique de relaxation. Un relatif isolement sensoriel est alors nécessaire (diminution des volumes sonores, téléphone décroché, chuchotement entre infirmières et médecins). Le médecin anesthésiste utilise un ton monocorde, lent, un langage répétitif et volontairement pauvre. Il s’installe alors des phénomènes objectifs de la transe hypnotiquechez le patient : relâchement musculaire notamment du visage, immobilité et ralentissement de la fréquence respiratoire. Cet état de conscience modifiée est maintenu pendant toute l’intervention par l’accompagnement verbal du médecin anesthésiste qui suggère l’évocation d’un souvenir agréable convenu avec le patient à son arrivée au bloc opératoire. Le patient reste conscient au cours de l’acte chirurgical mais toujours envahi par une sensation de détente et se dissocie de l’intervention en allant revivre dans sa mémoire des moments agréables.

Sur autorisation du médecin anesthésiste, après l’induction qui dure 5 à 10 minutes, le champ opératoire est réalisé suivi du drapage puis de l’infiltration du site opératoire à l’aide de Ropivacaïne 7,5mg/ml (Naropéine®). Au cours de l’intervention, le patient peut signaler un inconfort à l’aide d’un code convenu auparavant (grimace, clignement des paupières ou signe de la main). Ce message est transmis par l’anesthésiste au chirurgien qui infiltre de nouveau le site opératoire ou relâche une pression ou une traction au niveau de ce site. Une sédation intra-veineuse consciente peut être utilisée en cours d’intervention à des doses minimes, en fonction des signes d’inconfort du patient, à l’aide de bolus de 50 microgrammes d’alfentanil (Rapifen®) et / ou de 0.25 mg de midazolam (Hypnovel®).

Au terme de l’intervention, le médecin anesthésiste reprend une voix normale et invite le patient à se ré associer et à réintégrer un état de conscience normale. L’administration d’antalgiques débute dès la fin de l’intervention à l’aide de 1g de Perfalgan®.

En post-opératoire le patient séjourne en salle de surveillance post-interventionnelle pendant 30 minutes pour surveiller le risque potentiel d’hématome post-opératoire. Puis il retourne dans sa chambre et peut se réalimenter immédiatement. Il quitte le service le lendemain de l’intervention.


Expérience personnelle
La pratique de l’hypnosédation est réalisée au CHU de Nantes depuis novembre 2001. 52 patients, ASA I à IV ,ont bénéficié de cette technique d’anesthésie.

1 - Résultats
Aucune hypnose n’a du être convertie en anesthésie générale. Toutes les interventions prévues ont pu être menées à terme.

Les opérations réalisées sont les suivantes :
- Hernie inguinale : 8 patients
- Parathyroidectomie : 2 patients
- Thyroidectomie totale ou partielle : 23 patients
- Colonoscopie : 9 patients
- Dilatation de l’œsophage : 1 patient
- Naevus ou lipome : 3 patients
- Site implantable : 3 patients
- Mammectomie et curage axillaire : 1 patient
- Adénopathie cervicale : 2 patients

La sédation intra-veineuse d’appoint utilisée comprend en moyenne 2 mg de midazolam (de 0 à 4 mg) et 800 microgrammes d’alfentanil (de 0 à 1000 microgrammes).
La mortalité est nulle dans notre série. Nous n’avons pas non plus de morbidité.
Tous les patients ont pu boire et manger sans délai dès leur retour en chambre. Aucun patient n’a souffert de nausées et vomissements. Ils ont été autorisés à se lever immédiatement.
Lorsque des patients avaient déjà bénéficié d’une intervention sous anesthésie générale, ils considéraient les suites comme nettement plus confortables.
Tous les patients sont sortis le lendemain avec un score de satisfaction de 8/10 au minimum.
Ils expriment tous l’excellent souvenir de leur expérience qu’ils sont fiers d’avoir pu menée à bout malgré leur crainte initiale.


2 - Discussion
La pratique de la chirurgie sous hypnosédation dans notre service à répondu à plusieurs objectifs : assurer un confort péri et post-opératoire des patients, assurer une récupération plus rapide, éviter les complications liées à une anesthésie générale.


Pour l’ensemble des interventions l’hypnosédation n’influence pas la durée de l’intervention chirurgicale.Aucun recours à un autre mode d’anesthésie n’a été nécessaire. Toutes les interventions initialement prévues ont pu être menées à terme.

L’analgésie est assurée par l’association anesthésique local (ropivacaïne 7,5mg/ml) – hypnotique (midazolam) – morphinique (alfentanil). Les doses utilisées étaient minimes retrouvant l’effet d’hypnoanalgésie déjà décrite par M. Meurisse et Al..

Ces patients étaient demandeurs d’hypnosédation avec une grande crainte de l’anesthésie générale. Ce mode d’analgésie permet, par rapport à une intervention sous anesthésie générale, de réduire l’EVA post-opératoire, de reprendre l’alimentation le soir même de l’intervention sans que le patient n’ait souffert de nausées ou vomissements. De plus, la sortie du patient est rendue possible dès le lendemain. La satisfaction très élevée des patients (de 7 à 9/10) témoigne d’un vécu objectif agréable. Cette satisfaction résulte de leur prise de conscience du rôle actif et coopératif qu’ils ont joué dans ce processus. Nous retrouvons donc le " confort " peropératoire espéré dans cette étude.

L’hypnosédation reste cependant une méthode nécessitant la coopération du patient et ne peut être réalisée en désaccord avec le patient.

Le grand avantage de cette hypnosédation est le confort du patient. En effet, tous les patients en ayant bénéficié ont estimé que leur intervention avait été plus courte que la durée réelle. D’autre part, la relation médecin - patient est nettement améliorée. Une confiance s’installe dans ce couple au sein duquel la communication aussi bien verbale en consultation et en pré-anesthésie que non verbale pendant l’intervention chirurgicale est optimisée.


Avantages de la technique d'hypnosédation
Les patients opérés sous hypnosédation rapportent des douleurs plus faibles au cours des 24 premières heures post-opératoires. Tous ceux qui ont déjà connu une intervention sous anesthésie générale considèrent les suites post-opératoires comme nettement plus confortables avec l’hypnosédation car ils ressentent moins de fatigue et moins de douleur.


L’anxiété est diminuée par l’hypnosédation. Les durées d’hospitalisation sont plus courtes après hypnosédation. Au jour 1 post-opératoire, les patients rapportent une impression de fatigue significativement moindre que ceux opérés sous anesthésie générale. Cette différence est encore présente au dixième jour post-opératoire. La reprise des activités professionnelle est plus rapide.


Inconvénients per-opératoires
La technique d’hypnosédation impose des changements dans les habitudes de travail de l’équipe opératoire. Comme le patient reste conscient au cours de la chirurgie, les bruits de la salle d’opération doivent être réduits : conversations chuchotées, réduction des bruits du monitoring et des alarmes, anticipation et préparation des instruments chirurgicaux. L’introduction d’une telle technique au bloc opératoire requiert de la patience pour expliquer le déroulement et les effets bénéfiques de l’hypnosédation. Toutefois après sa mise en place les équipes profitent de l’ambiance calme et apaisante. La prise en charge du patient se fait alors de façon plus personnelle et adaptée à la psychologie du patient.


La présence constante de l’anesthésiste auprès du patient est nécessaire excluant son implication sur plusieurs salles d’opération.

Une collaboration étroite entre chirurgien et anesthésiste est indispensable. L’anesthésiste reste le seul interlocuteur avec le patient.

Les manipulations chirurgicales doivent être douces et précises, et chaque membre de l’équipe doit garder une maîtrise de soi quoiqu’il arrive en cours de chirurgie. Toute l’équipe s’adapte non seulement aux besoins physiologiques mais aussi psychologiques du patient.


Conclusion
L’hypnosédation fait partie intégrante de notre arsenal thérapeutique. Elle procure un confort peropératoire tout en évitant un coma pharmacologique. Cette technique impose des changements dans les habitudes de travail de l’équipe opératoire : les bruits dans la salle d’opération doivent être réduits, les manipulations chirurgicales douces et précises, un savoir-faire de l’anesthésiste qui prend en compte les besoins psychologiques du patient. Cette technique lance un nouveau défi aux équipes opératoires : collaborer étroitement ensemble dans l’intérêt du patient.